La mécanique des passions – Cerveau, comportement, société,Alain Ehrenberg
-Résumé
Dans les sociétés démocratiques avancées, la valeur médicale et sociale du cerveau a été démultipliée depuis le début des années 1990. Les neurosciences affirment que son exploration devrait permettre à plus ou moins long terme de faire des progrès considérables non seulement dans la prise en charge des pathologies mentales (comme la dépression ou la schizophrénie), mais encore dans le traitement des problèmes sociaux, ce qui laisse espérer des applications pour rendre plus efficaces politiques publiques, pratiques éducatives ou moyens d’influencer consommateurs et électeurs (neuroéconomie, neuropédagogie, neuromarketing, neurodroit, etc.).
Les neurosciences cognitives sont l’objet à la fois d’attentes et de craintes qui dépassent largement le cadre des discussions entre spécialistes. Dans un contexte global où la souffrance psychique et la santé mentale sont un souci majeur, que ce soit dans l’entreprise, au travail, dans l’éducation ou la famille, les problèmes conceptuels et pratiques que soulèvent ces disciplines et leurs usages ne peuvent laisser l’opinion publique indifférente.
Il y va en effet d’enjeux aussi décisifs que notre bien-être individuel et collectif, les modes de prise en charge des psychoses, la façon dont nous devons éduquer et instruire nos enfants, traiter de multitudes de déviances et d’actes de délinquance, favoriser les émotions démocratiques, comme l’empathie ou la confiance des uns envers les autres…
Toute la recherche dans ce domaine ne concerne pas la pathologie, mais celle-ci en est le terrain le plus sensible pour deux raisons, de niveau différent. D’abord, parce que c’est le domaine où peut être concrètement mis en question le dualisme du cerveau et de l’esprit à travers les deux spécialités de la neurologie et de la psychiatrie. Ensuite, parce que c’est là que se jouent non seulement les questions de souffrance psychique, mais également celles de bien-être ou d’amélioration des performances individuelles à l’égard desquelles l’opinion publique a les plus grandes attentes.
L’objet de ce livre est de décrire cette anthropologie en se centrant sur son problème central, celui des rapports cerveau/comportement. Son point de départ est que le cerveau est beaucoup plus en relation avec le reste du corps qu’avec le monde extérieur et donc que le comportement, qui inclut les pensées, les émotions et les actions, est principalement conditionné par des mécanismes cérébraux. Le mot « comportement » est d’acception très large, il inclut notamment tout ce que l’on peut mettre dans l’« esprit » – c’est pourquoi je préfère parler du problème cerveau/comportement.
-TABLE DES MATIERE
Introduction – La nouvelle science du comportement humain
De la psychanalyse aux neurosciences, d’un climat de la modernité à l’autre
Les neurosciences cognitives en tant qu’autorité morale : quels idéaux de la modernité ?
Quel individualisme ?
Le programme
Chapitre1:Des cerveaux exemplaires. Des malheurs du sujet pratique à l’héroïsme du potentiel caché .
Les malheurs du sujet pratique
Les troubles de la personnalité revus sous l’angle du sujet pratique.
Émotion, cognition, comportement : le triangle d’or des neurosciences cognitives.
Les cerveaux du potentiel caché ou la démocratisation de l’exceptionnel.
Du type à l’individu.
Le vouloir sans le pouvoir, pivot d’une individualisation du patient neurologique
Du déficit à l’atout : le syndrome de la Tourette en figure du nouvel individualisme
Le cerveau autiste en tant que valeur de civilisation.
De l’autisme d’hier à l’autisme d’aujourd’hui.
Le potentiel caché, forme sociale spécifique d’entrée dans la modernité.
Chapitre 2 – Méthode scientifique et idéal individualiste. La conversion des passions des Lumières écossaises au nouvel individualisme.
La mécanique de la conversion des passions : l’individu ordinaire comme homme d’action créateur de valeurs.
Surmonter la dichotomie du naturel et de l’artificiel.
Vertu ou caractère, conflit central de l’entrée dans la modernité.
L’individu créateur de valeurs ou la socialisation de l’auto-agrandissement.
L’ascension de la polarité altruisme/égoïsme et le moment moral du caractère.
De l’ingénierie sociale à l’accomplissement de soi (1900-1970) : les trois âges
du comportement.
Le béhaviorisme : refonder l’individualisme dans la société de masse en dirigeant l’homme de l’extérieur.
Le Moi des sciences sociales du comportement
Un homme de décision choisit librement : introduire la subjectivité et l’activité.
La « Révolution cognitive » ou le scientifique en modèle de l’intelligence ordinaire.
Le nouvel individualisme de la psychologie scientifique : que chacun devienne son propre psychologue.
Un individualisme de capacité.
Chapitre 3 – Le cerveau-individu, une physiologie de l’autonomie.
Un « retour » du sujet en version biologique ?
Individualisation : du cerveau-réactif au cerveau-agent.
De la neurologie à la neuropsychologie.
Syndromes de déconnexion : un cerveau anatomiquement complet.
Décharge corollaire : un cerveau qui déclenche physiologiquement l’action.
Transmission synaptique et plasticité cérébrale:le cerveau est-il(comme)un individu ?
La désindividualisation du cerveau dans l’espace matriciel des neurosciences.
Du cerveau anatomique à l’espace numérisé : l’activité cérébrale de l’esprit.
Le « où » neuroanatomique, mais qu’en est-il du « comment » neurophysiologique ?
La décomposition du cerveau individuel dans les big data : vers une pathologie des circuits cérébraux ?
Le cerveau fait individu.
Chapitre 4 – Les neurosciences sociales ou comment l’individu agit avec les autres
La nécessité du social.
La reconfiguration du caractère dans le concept de « compétence sociale ».
Les trois significations du « social » en neurosciences.
L’empathie : compartiment émotionnel et compartiment cognitif.
L’étayage neurobiologique des relations : une résonance neurale.
L’économie comportementale, une psychopathologie cognitive de la vie quotidienne.
Les conditions de la régularité : l’équité pour maîtriser les contingences de
la confiance.
Le biais cognitif et la politique des coups de coude : un mécanisme pour « changer le comportement sans avoir à changer l’esprit ».
Chapitre 5 – Les exercices de l’autonomie : des rituels individualistes pour refaire son être moral ?
La cognition sociale, axe du devenir-individuel des schizophrènes.
Rétablir la cognition sociale ou comment faire de l’individu l’agent de son propre changement.
Le rétablissement en version neurocognitive.
Informatique émotionnelle et machine partenaire.
Vers le coach digital.
Le Réseau cérébral global, utopie de la distribution généralisée de la psychologie
Le biologique, le psychologique et le social : agir sur les circuits neuronaux ou trouver une forme de vie acceptable ?
Biologie : ce que la paillasse apporte au lit.
Psychologie : les effets indirects totaux des exercices du sujet pratique
Sociologie : des rituels individualistes pour refaire son être moral
Les limites de l’explication neurobiologique forte : un oubli du langage ?
Chapitre 6 – Suis-je malade de mes idées ou de mon cerveau ? Neurosciences et connaissance
de soi.
Le perfectionnisme moral, une philosophie de la transformation personnelle
Les causes et les raisons : les dilemmes de l’une et l’harmonie de l’autre
Le tremblement ambigu de l’écrivain Siri Hustvedt.
La part manquante du musicien Allen Shawn.
L’enclos du cerveau : qu’est-ce que cela fait d’être quelqu’un ?
De la certitude délirante au syndrome de déconnexion.
Une tragédie de la reconnaissance en délire d’identification.
La solution : distinguer deux grandes manières de refaire notre être moral.
La place du cerveau. De l’homme neuronal à l’homme total.
Le récit de l’individualisme : une chambre d’écho de nos idéaux capacitaires.
Usages ordinaires et connaissance pratique : réformer l’homme neuronal
par l’homme.
Bibliographie
-Caractéristiques
Date de parution : 21/03/2018
Editeur : Odile Jacob
ISBN : 978-2-7381-4149-1
EAN : 9782738141491
Format : Grand Format
Nb. de pages : 328 pages
Poids : 0.46 Kg
Dimensions : 15,5 cm × 24,0 cm × 2,3 cm
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